En ce moment, depuis dimanche 7 juin, à croire les agences de presse Tass et Ruptly, elles-mêmes relayées par internet, des tentes de manifestants demandant pacifiquement des comptes au gouvernement apparaissent à nouveau place Maidan à Kiev : « Maidan 3 » comme l’appelle Roustam Tachbaev, un des organisateurs du mouvement… alors que ce qu’il conviendrait d’appeler « Maidan 2 » est encore chaud et qu’une véritable guerre civile fait rage à l’Est, dans les régions du Donbass…
A la fin de l’année 2013, la population ukrainienne se montrait divisée : 38,0% approuvait une association avec la Russie, alors que 37,8% préférait une alliance avec l’Europe. Mais 24,2% ne se prononçait pas, selon les sondages d’alors.
En même temps, 41% des ukrainiens considéraient que la priorité politique et économique devait être l’intégration à l’Union Européenne (U.E.), et à l’inverse 33% se montraient partisans d’une union douanière avec la Russie limitrophe et historiquement très liée, selon des statistiques révélées par des voies de presses et autorités universitaires.
A cette époque, le refus du président ukrainien (élu constitutionnellement), Victor Yanoukovitch, de signer un accord d’association avec le bloc communautaire U.E., a poussé des activistes tant d’extrême droite comme de partis libéraux à se concentrer à la Place de l’Indépendance de Kiev (Place Maidan), comme des années auparavant pour la « Révolution Orange »… Maidan 2 s’attaquait à un régime réputé corrompu, huit ans après Maidan 1 qui promettait déjà liberté et prospérité…
Or le 18 février 2014 (Maidan 2), en ce lieu commença l’étape la plus sanglante des manifestations pro-européennes qui, avec beaucoup de violences et de manipulations, a entrainé comme on le sait un changement de pouvoir dans le pays. Dans ces troubles très violents, ont pris part de façon très active le groupe fasciste PravySector et le Parti d’extrême droite Svoboda, lesquels ont bénéficié de l’appui de l’Occident et de ses forces spéciales pour déstabiliser l’ordre du pays. Notre Comité Internationaliste de Solidarité de Classe l’a dénoncé à maintes reprises, surtout par la publication de son bulletin en langue française, et par une pétition rejetant les dangereuses ingérences occidentales en Ukraine, déstabilisant dans la violence cette région aux mépris de graves conséquences qui peut-être la mondialisation d’un conflit : et c’est encore vrai.
Comme résultat de trois jours d’affrontements particulièrement violents, 73 civils et 11 effectifs gouvernementaux, policiers et militaires, perdirent alors la vie. La majorité d’entre eux par des tireurs isolés (snipers) non-identifiés qui ouvrirent le feu contre la foule assemblée au centre de Kiev. L’ensemble de cette situation provoqua alors la destitution de Yanoukovitch, fait que beaucoup d’observateurs internationaux signalèrent comme inconstitutionnel.
A plus d’un an de ces événements violents (de Maidan 2), de nombreuses questions restent en suspens : Qui furent réellement les responsables des attaques contre manifestants et policiers ? Les promesses utilisées par les manifestants pour mobiliser l’opposition au gouvernement d’alors, ont-elles été réalisées ? Qu’ont obtenu ceux qui sortirent manifester pour exiger des améliorations de leurs conditions de vie, il y a un peu plus d’un an ? C’est ce que Maidan 3 veut apparemment rappeler aujourd’hui…
Le gouvernement victorieux post-coup-d’Etat, avec l’appui de médias occidentaux, attribue toujours la responsabilité du massacre de Maidan 2 à des officiers de Police de l’époque. Et la responsabilité suprême retombe alors sur le président destitué Yanoukovitch, ou quelqu’un de ses forces de sécurité qui aurait alors donné l’ordre de supprimer ces manifestations.
Malgré tout, le 5 mars 2014, déjà, et sans que nos médias n’en fissent grand échos, a été rendue publique un enregistrement de conversation entre la Chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton et le ministre des Affaires extérieures d’Estonie, Urmas Paet. Ashton affirmait : « A mesure de l’enquête il est de plus en plus évident que derrière les tireurs isolés, il n’y avait pas Yanoukovitch mais quelqu’un de la nouvelle coalition ». L’authenticité de cet enregistrement a été reconnue par Paet lui-même.
Pendant ce temps dans l’ex-république soviétique, l’étude de toutes les preuves disponibles, ont indiqué que les auteurs des crimes n’ont pas été des agents de la sécurité, mais bien des civils armés, toutefois on n’a jamais cherché à en savoir plus.
De la même façon, une commission spéciale du Parlement ukrainien a conclu que le premier coup-de-feu fut dirigé contre les policiers. De plus les balles extraites des corps des victimes n’ont jamais coïncidé avec les modèles d’armes-à-feu automatiques utilisées par les effectifs gouvernementaux. Pourtant cette commission a seulement rapporté que la responsabilité de ces faits retombait sur des membres d’ « entités sociales qui échappaient au contrôle », sans préciser lesquelles et surtout sans autres enquêtes.
D’un autre côté, il est évident aujourd’hui que la situation de ce pays de l’Est de l’Europe ne s’est pas améliorée comme l’avaient promis ceux qui ont appelé à l’insubordination au gouvernement de Yanoukovitch. A l’Est ukrainien, dans les régions que l’on appelle « séparatistes » de Donetsk et Lugansk, celles qui se sont constituées en Républiques Populaires du Donbass, des centaines de civils sont morts comme résultats d’affrontement entre l’armée ukrainienne, envoyée par Kiev et fournie en armes, moyens logistiques par l’Occident (U.E. et USA), et les milices populaires autochtones. Ces deux territoires n’ont pas accepté le gouvernement russophobe de Pietro Poroshenko, qui compte des ministres fascistes. Ces deux territoires russophones se sont logiquement et par volonté populaire déclarés indépendants le 12 mai 2014, comme auparavant la Crimée, russophone aussi, mais non-limitrophe et que l’on dit maintenant annexée par la Russie.
Selon la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies, le conflit dans l’Est de l’Ukraine a provoqué le déplacement de près d’un million de personnes et l’exil de 600 000 réfugiés, en plus des morts (plusieurs centaines voire milliers de civils). Le conflit –qui ressemblerait actuellement à une « guerre de positions »- serait-il « gelé », comme on le prétendrait diplomatiquement ou même médiatiquement ?
Dans ce contexte, faisant échos à ceux de septembre 2014, en février 2015, surviennent ceux que l’on appelle « les Accords de Minsk 2 » : Ukraine, Russie, Allemagne, France, réunies en Biélorussie, se sont accordées pour tenter à nouveau d’atteindre un « cessez-le-feu » total, avec échanges de prisonniers et larges corridors, à partir du 15 février dernier, et ainsi mettre fin à la situation de guerre de cette région. Un pacte qui devra se réaliser en plusieurs étapes. Celui-ci prévoit entre autres points : une nouvelle constitution ukrainienne avant la fin de l’année 2015 et les reconnaissances de « larges autonomies » (à définir) pour les régions de Donetsk et de Lougansk dans le cadre d’une sorte de fédéralisme décentralisé. Ce point risque de ne pas faire l’unanimité au sein du gouvernement de Poroshenko à Kiev, comptant des « ultra-nationalistes ».
On se demande parfois, si aux vues de l’histoire, la nation ukrainienne, « Petite Russie » à l’époque tsariste, ex-république soviétique, ensemble non-homogène d’origines ethniques : polonais, bulgares, cosaques, russes, etc, qui n’a pas une réelle unité de langue, est réellement une nation, et non une simple région agricole, minière à l’Est, maritime au Sud, qui avait une raison d’être dans un ensemble soviétique ou comme « colonie » du Tsar de Russie ? On se demande si la nation ukrainienne actuelle n’a pas d’existence seulement dans la tête d’une minorité de fascistes pronazis admirateurs de Stepan Bandera, qui par antisoviétisme collabora avec l’Allemagne du IIIème Reich ? Or cette minorité fasciste pronazie avec ses milices et autres groupements paramilitaires, se trouve actuellement dans le gouvernement de Poroshenko, à Kiev. C’est là le gros problème.
Par ailleurs, l’économie ukrainienne, avant les événements de Maidan 2, n’était déjà pas en bon état. Et avec l’arrivée au pouvoir de Petro Poroshenko, le pays a signé un accord économique avec l’U.E. qui contenait un programme de réformes du Fonds Monétaire International (FMI). Cela s’est traduit en augmentations additionnelles des prix des services publics et des coupes budgétaires dans les aides sociales. Selon des données officielles publiées en 2014, les salaires des ukrainiens ont été réduits de 11,4% comparés à ceux de septembre 2013. Et pendant ce temps, la monnaie nationale a été dévaluée de plus de 50% par rapport au dollar.
A cela on ajoute l’augmentation des prix et des tarifs. Par exemple, à Kiev le prix d’une barre de pain était en automne 2014 trois fois ce qu’il était un an auparavant, en même temps les tarifs des services publics ont pratiquement été multipliés par deux. Pendant cette même période, le gouvernement ukrainien a collecté un total de 1 400 millions de grivnes (1,4 milliard) auprès des ukrainiens, comme impôt voté par la Rada Suprême (l’Assemblée Nationale ukrainienne) pour financer la guerre à l’Est. Guerre impopulaire, si l’on considère que parfois les envoyés de Kiev ont fraternisé avec les « séparatistes » du Donbass.
Dans ces conditions, toujours est-il que l’Exécutif de Poroshenko n’a plus les moyens d’obtenir l’argent dont il a besoin pour remplir ses engagements budgétaires (si ce n’est en recevant de nouvelles subventions de l’U.E. ou des USA). Des données officielles de début 2015 nous révèlent que la production industrielle se situe à un niveau 16,3% plus bas que celui qu’elle avait un an auparavant. Et la Banque Centrale a admis que le pays ne dispose pas de réserves d’or.
En tenant compte du fait que la dette d’Etat s’élève à 74 000 millions de dollars (74 milliards, alors que la Grèce, membre de l’U.E., ne doit qu’ 1,5 milliard à l’U.E… et nos médias en font tout un plat sans parler de l’Ukraine…), la nation ukrainienne n’est pas en mesure d’honorer ses engagements de paiement de dettes et peut seulement offrir comme garantie pour les crédits du FMI les mesures antisociales exigées par l’Occident. Mais elle (non membre d’U.E.) est un enjeu géostratégique pour l’Occident et l’OTAN contre la Russie, autant qu’un enjeu économique en réserves de ressources naturelles et agricoles. Autrement dit, la néo-colonisation financière de l’Ukraine par l’Occident est très avancée : alors qu’on accuse la Russie de ne pas respecter la souveraineté ukrainienne, celle-ci est en fait menacée par l’Occident…
Faisant partie des promesses faites durant les manifestations de Maidan 2 (il y en a eu beaucoup de la part de l’U.E. comme des USA ; on se souvient de Murphy, Mac Cain, Nuland et autres comme du rôle du CDU allemand) à seule fin de mobiliser l’opinion publique pour que celle-ci appuie le mouvement contre le gouvernement d’alors : une promesse était qu’une fois la victoire acquise, tous les ukrainiens auraient le droit d’entrer dans les pays d’Europe occidentale sans visa. Cet « objectif » est resté loin de la réalité aujourd’hui, car craignant une vague de migrants, réfugiés fuyant un pays soumis à des affrontements violents, l’U.E. a renforcé les conditions d’obtention de visa pour les citoyens ukrainiens.
A propos de la mainmise d’oligarques sur le pouvoir : des analystes signalent que la tendance s’est encore aggravée substantiellement et que pour la première fois, ces oligarques disposent du contrôle politique de régions clefs du pays. Par exemple le multimillionnaire Igor Kolomoyskyi est gouverneur de la province de Dniepropetrovsk, et c’est une des figures politiques ukrainiennes les plus influentes. En même temps, ces mêmes oligarques ont protégé et misé sur la présence de bandes d’extrême droite au Parlement. Comme c’est le cas du commandant du bataillon Azov, Andrey Biletsky, connu pour son point de vue ouvertement néo-nazi ; le commandant du bataillon Donbass, Semyon Semyonchenko ou celui du bataillon Dnepr-A, Yury Bereza.
Alors que sont devenues les demandes initiales de Maidan 2, sans parler de celles de Maidan 1, cette « Révolution Orange » d’il y a 10 ans ? La manipulation des peuples ukrainien et européens n’est-elle pas maintenant évidente ? Autant que ne l’est à Kiev le péril fasciste tant au gouvernement qu’au Parlement. L’URSS puis les Alliés de l’époque, ont su l’écraser il y a 70 ans. L’U.E., aidée en cela par les USA, le rétablit-elle maintenant ? La Russie a célébré en grand la Victoire de 1945, le 8/9 mai dernier : Poutine se montre au monde en grand garant contre le fascisme. Nous nous demandions dans un article précédent, l’été dernier, s’il allait soutenir ouvertement les Républiques Populaires du Donbass contre Kiev : maintenant c’est certain. Le gouvernement de Poroshenko, c’est des oligarques et des fascistes au pouvoir, mais c’est aussi une néo-colonisation de l’Ukraine par l’Occident. C’est surtout l’OTAN en Ukraine. Autant de raisons pour que Poutine, Medvedev, Lavrov ne lâchent pas : leur diabolisation par l’Occident est ridicule. La Russie est exclue du G7, pourtant un des premiers thèmes abordés lors du récent sommet de juin 2015, est l’Ukraine, on devrait dire « la guerre en Ukraine » : les 26 morts de ce conflit, trois jours auparavant, malgré les Accords de Minsk de février, ont su rappeler l’importance internationale du problème.
Un gouvernement de fascistes et d’oligarques n’est pas soutenable, Mme Merkel, M. Hollande, surtout si ce gouvernement est issu d’un coup d’Etat déguisé, et de sanglantes manipulations, dont les USA et la CIA en seraient véritablement les seuls bénéficiaires avec l’installation de l’OTAN à la frontière russe. Les peuples de l’U.E., à commencer par le peuple français qui doit largement sa libération à l’Armée soviétique (dixit De Gaulle lui-même à l’époque), n’ont aucun intérêt à un conflit avec la Russie ; en revanche les peuples d’Europe ont tout-à-craindre et tout-à-perdre dans le développement d’un pouvoir fasciste armé en Europe à l’Est comme ailleurs. Le peuple de Kiev se réveillerait à nouveau aujourd’hui : saura-t-on l’entendre ? Que se passera-t-il si des fascistes pourtant déjà au gouvernement, grâce à de nouvelles manipulations, réalisent un nouveau coup d’Etat contre un Poroshenko jugé trop mou, trop conciliant envers Poutine et les « séparatistes » ? Une Ukraine néo-colonisée économiquement n’est-elle pas vouée à l’éclatement ?
Linet Perera Negrín et Miguel Esteban, 14 juin 2015.
A la fin de l’année 2013, la population ukrainienne se montrait divisée : 38,0% approuvait une association avec la Russie, alors que 37,8% préférait une alliance avec l’Europe. Mais 24,2% ne se prononçait pas, selon les sondages d’alors.
En même temps, 41% des ukrainiens considéraient que la priorité politique et économique devait être l’intégration à l’Union Européenne (U.E.), et à l’inverse 33% se montraient partisans d’une union douanière avec la Russie limitrophe et historiquement très liée, selon des statistiques révélées par des voies de presses et autorités universitaires.
A cette époque, le refus du président ukrainien (élu constitutionnellement), Victor Yanoukovitch, de signer un accord d’association avec le bloc communautaire U.E., a poussé des activistes tant d’extrême droite comme de partis libéraux à se concentrer à la Place de l’Indépendance de Kiev (Place Maidan), comme des années auparavant pour la « Révolution Orange »… Maidan 2 s’attaquait à un régime réputé corrompu, huit ans après Maidan 1 qui promettait déjà liberté et prospérité…
Or le 18 février 2014 (Maidan 2), en ce lieu commença l’étape la plus sanglante des manifestations pro-européennes qui, avec beaucoup de violences et de manipulations, a entrainé comme on le sait un changement de pouvoir dans le pays. Dans ces troubles très violents, ont pris part de façon très active le groupe fasciste PravySector et le Parti d’extrême droite Svoboda, lesquels ont bénéficié de l’appui de l’Occident et de ses forces spéciales pour déstabiliser l’ordre du pays. Notre Comité Internationaliste de Solidarité de Classe l’a dénoncé à maintes reprises, surtout par la publication de son bulletin en langue française, et par une pétition rejetant les dangereuses ingérences occidentales en Ukraine, déstabilisant dans la violence cette région aux mépris de graves conséquences qui peut-être la mondialisation d’un conflit : et c’est encore vrai.
Comme résultat de trois jours d’affrontements particulièrement violents, 73 civils et 11 effectifs gouvernementaux, policiers et militaires, perdirent alors la vie. La majorité d’entre eux par des tireurs isolés (snipers) non-identifiés qui ouvrirent le feu contre la foule assemblée au centre de Kiev. L’ensemble de cette situation provoqua alors la destitution de Yanoukovitch, fait que beaucoup d’observateurs internationaux signalèrent comme inconstitutionnel.
A plus d’un an de ces événements violents (de Maidan 2), de nombreuses questions restent en suspens : Qui furent réellement les responsables des attaques contre manifestants et policiers ? Les promesses utilisées par les manifestants pour mobiliser l’opposition au gouvernement d’alors, ont-elles été réalisées ? Qu’ont obtenu ceux qui sortirent manifester pour exiger des améliorations de leurs conditions de vie, il y a un peu plus d’un an ? C’est ce que Maidan 3 veut apparemment rappeler aujourd’hui…
Le gouvernement victorieux post-coup-d’Etat, avec l’appui de médias occidentaux, attribue toujours la responsabilité du massacre de Maidan 2 à des officiers de Police de l’époque. Et la responsabilité suprême retombe alors sur le président destitué Yanoukovitch, ou quelqu’un de ses forces de sécurité qui aurait alors donné l’ordre de supprimer ces manifestations.
Malgré tout, le 5 mars 2014, déjà, et sans que nos médias n’en fissent grand échos, a été rendue publique un enregistrement de conversation entre la Chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton et le ministre des Affaires extérieures d’Estonie, Urmas Paet. Ashton affirmait : « A mesure de l’enquête il est de plus en plus évident que derrière les tireurs isolés, il n’y avait pas Yanoukovitch mais quelqu’un de la nouvelle coalition ». L’authenticité de cet enregistrement a été reconnue par Paet lui-même.
Pendant ce temps dans l’ex-république soviétique, l’étude de toutes les preuves disponibles, ont indiqué que les auteurs des crimes n’ont pas été des agents de la sécurité, mais bien des civils armés, toutefois on n’a jamais cherché à en savoir plus.
De la même façon, une commission spéciale du Parlement ukrainien a conclu que le premier coup-de-feu fut dirigé contre les policiers. De plus les balles extraites des corps des victimes n’ont jamais coïncidé avec les modèles d’armes-à-feu automatiques utilisées par les effectifs gouvernementaux. Pourtant cette commission a seulement rapporté que la responsabilité de ces faits retombait sur des membres d’ « entités sociales qui échappaient au contrôle », sans préciser lesquelles et surtout sans autres enquêtes.
D’un autre côté, il est évident aujourd’hui que la situation de ce pays de l’Est de l’Europe ne s’est pas améliorée comme l’avaient promis ceux qui ont appelé à l’insubordination au gouvernement de Yanoukovitch. A l’Est ukrainien, dans les régions que l’on appelle « séparatistes » de Donetsk et Lugansk, celles qui se sont constituées en Républiques Populaires du Donbass, des centaines de civils sont morts comme résultats d’affrontement entre l’armée ukrainienne, envoyée par Kiev et fournie en armes, moyens logistiques par l’Occident (U.E. et USA), et les milices populaires autochtones. Ces deux territoires n’ont pas accepté le gouvernement russophobe de Pietro Poroshenko, qui compte des ministres fascistes. Ces deux territoires russophones se sont logiquement et par volonté populaire déclarés indépendants le 12 mai 2014, comme auparavant la Crimée, russophone aussi, mais non-limitrophe et que l’on dit maintenant annexée par la Russie.
Selon la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies, le conflit dans l’Est de l’Ukraine a provoqué le déplacement de près d’un million de personnes et l’exil de 600 000 réfugiés, en plus des morts (plusieurs centaines voire milliers de civils). Le conflit –qui ressemblerait actuellement à une « guerre de positions »- serait-il « gelé », comme on le prétendrait diplomatiquement ou même médiatiquement ?
Dans ce contexte, faisant échos à ceux de septembre 2014, en février 2015, surviennent ceux que l’on appelle « les Accords de Minsk 2 » : Ukraine, Russie, Allemagne, France, réunies en Biélorussie, se sont accordées pour tenter à nouveau d’atteindre un « cessez-le-feu » total, avec échanges de prisonniers et larges corridors, à partir du 15 février dernier, et ainsi mettre fin à la situation de guerre de cette région. Un pacte qui devra se réaliser en plusieurs étapes. Celui-ci prévoit entre autres points : une nouvelle constitution ukrainienne avant la fin de l’année 2015 et les reconnaissances de « larges autonomies » (à définir) pour les régions de Donetsk et de Lougansk dans le cadre d’une sorte de fédéralisme décentralisé. Ce point risque de ne pas faire l’unanimité au sein du gouvernement de Poroshenko à Kiev, comptant des « ultra-nationalistes ».
On se demande parfois, si aux vues de l’histoire, la nation ukrainienne, « Petite Russie » à l’époque tsariste, ex-république soviétique, ensemble non-homogène d’origines ethniques : polonais, bulgares, cosaques, russes, etc, qui n’a pas une réelle unité de langue, est réellement une nation, et non une simple région agricole, minière à l’Est, maritime au Sud, qui avait une raison d’être dans un ensemble soviétique ou comme « colonie » du Tsar de Russie ? On se demande si la nation ukrainienne actuelle n’a pas d’existence seulement dans la tête d’une minorité de fascistes pronazis admirateurs de Stepan Bandera, qui par antisoviétisme collabora avec l’Allemagne du IIIème Reich ? Or cette minorité fasciste pronazie avec ses milices et autres groupements paramilitaires, se trouve actuellement dans le gouvernement de Poroshenko, à Kiev. C’est là le gros problème.
Par ailleurs, l’économie ukrainienne, avant les événements de Maidan 2, n’était déjà pas en bon état. Et avec l’arrivée au pouvoir de Petro Poroshenko, le pays a signé un accord économique avec l’U.E. qui contenait un programme de réformes du Fonds Monétaire International (FMI). Cela s’est traduit en augmentations additionnelles des prix des services publics et des coupes budgétaires dans les aides sociales. Selon des données officielles publiées en 2014, les salaires des ukrainiens ont été réduits de 11,4% comparés à ceux de septembre 2013. Et pendant ce temps, la monnaie nationale a été dévaluée de plus de 50% par rapport au dollar.
A cela on ajoute l’augmentation des prix et des tarifs. Par exemple, à Kiev le prix d’une barre de pain était en automne 2014 trois fois ce qu’il était un an auparavant, en même temps les tarifs des services publics ont pratiquement été multipliés par deux. Pendant cette même période, le gouvernement ukrainien a collecté un total de 1 400 millions de grivnes (1,4 milliard) auprès des ukrainiens, comme impôt voté par la Rada Suprême (l’Assemblée Nationale ukrainienne) pour financer la guerre à l’Est. Guerre impopulaire, si l’on considère que parfois les envoyés de Kiev ont fraternisé avec les « séparatistes » du Donbass.
Dans ces conditions, toujours est-il que l’Exécutif de Poroshenko n’a plus les moyens d’obtenir l’argent dont il a besoin pour remplir ses engagements budgétaires (si ce n’est en recevant de nouvelles subventions de l’U.E. ou des USA). Des données officielles de début 2015 nous révèlent que la production industrielle se situe à un niveau 16,3% plus bas que celui qu’elle avait un an auparavant. Et la Banque Centrale a admis que le pays ne dispose pas de réserves d’or.
En tenant compte du fait que la dette d’Etat s’élève à 74 000 millions de dollars (74 milliards, alors que la Grèce, membre de l’U.E., ne doit qu’ 1,5 milliard à l’U.E… et nos médias en font tout un plat sans parler de l’Ukraine…), la nation ukrainienne n’est pas en mesure d’honorer ses engagements de paiement de dettes et peut seulement offrir comme garantie pour les crédits du FMI les mesures antisociales exigées par l’Occident. Mais elle (non membre d’U.E.) est un enjeu géostratégique pour l’Occident et l’OTAN contre la Russie, autant qu’un enjeu économique en réserves de ressources naturelles et agricoles. Autrement dit, la néo-colonisation financière de l’Ukraine par l’Occident est très avancée : alors qu’on accuse la Russie de ne pas respecter la souveraineté ukrainienne, celle-ci est en fait menacée par l’Occident…
Faisant partie des promesses faites durant les manifestations de Maidan 2 (il y en a eu beaucoup de la part de l’U.E. comme des USA ; on se souvient de Murphy, Mac Cain, Nuland et autres comme du rôle du CDU allemand) à seule fin de mobiliser l’opinion publique pour que celle-ci appuie le mouvement contre le gouvernement d’alors : une promesse était qu’une fois la victoire acquise, tous les ukrainiens auraient le droit d’entrer dans les pays d’Europe occidentale sans visa. Cet « objectif » est resté loin de la réalité aujourd’hui, car craignant une vague de migrants, réfugiés fuyant un pays soumis à des affrontements violents, l’U.E. a renforcé les conditions d’obtention de visa pour les citoyens ukrainiens.
A propos de la mainmise d’oligarques sur le pouvoir : des analystes signalent que la tendance s’est encore aggravée substantiellement et que pour la première fois, ces oligarques disposent du contrôle politique de régions clefs du pays. Par exemple le multimillionnaire Igor Kolomoyskyi est gouverneur de la province de Dniepropetrovsk, et c’est une des figures politiques ukrainiennes les plus influentes. En même temps, ces mêmes oligarques ont protégé et misé sur la présence de bandes d’extrême droite au Parlement. Comme c’est le cas du commandant du bataillon Azov, Andrey Biletsky, connu pour son point de vue ouvertement néo-nazi ; le commandant du bataillon Donbass, Semyon Semyonchenko ou celui du bataillon Dnepr-A, Yury Bereza.
Alors que sont devenues les demandes initiales de Maidan 2, sans parler de celles de Maidan 1, cette « Révolution Orange » d’il y a 10 ans ? La manipulation des peuples ukrainien et européens n’est-elle pas maintenant évidente ? Autant que ne l’est à Kiev le péril fasciste tant au gouvernement qu’au Parlement. L’URSS puis les Alliés de l’époque, ont su l’écraser il y a 70 ans. L’U.E., aidée en cela par les USA, le rétablit-elle maintenant ? La Russie a célébré en grand la Victoire de 1945, le 8/9 mai dernier : Poutine se montre au monde en grand garant contre le fascisme. Nous nous demandions dans un article précédent, l’été dernier, s’il allait soutenir ouvertement les Républiques Populaires du Donbass contre Kiev : maintenant c’est certain. Le gouvernement de Poroshenko, c’est des oligarques et des fascistes au pouvoir, mais c’est aussi une néo-colonisation de l’Ukraine par l’Occident. C’est surtout l’OTAN en Ukraine. Autant de raisons pour que Poutine, Medvedev, Lavrov ne lâchent pas : leur diabolisation par l’Occident est ridicule. La Russie est exclue du G7, pourtant un des premiers thèmes abordés lors du récent sommet de juin 2015, est l’Ukraine, on devrait dire « la guerre en Ukraine » : les 26 morts de ce conflit, trois jours auparavant, malgré les Accords de Minsk de février, ont su rappeler l’importance internationale du problème.
Un gouvernement de fascistes et d’oligarques n’est pas soutenable, Mme Merkel, M. Hollande, surtout si ce gouvernement est issu d’un coup d’Etat déguisé, et de sanglantes manipulations, dont les USA et la CIA en seraient véritablement les seuls bénéficiaires avec l’installation de l’OTAN à la frontière russe. Les peuples de l’U.E., à commencer par le peuple français qui doit largement sa libération à l’Armée soviétique (dixit De Gaulle lui-même à l’époque), n’ont aucun intérêt à un conflit avec la Russie ; en revanche les peuples d’Europe ont tout-à-craindre et tout-à-perdre dans le développement d’un pouvoir fasciste armé en Europe à l’Est comme ailleurs. Le peuple de Kiev se réveillerait à nouveau aujourd’hui : saura-t-on l’entendre ? Que se passera-t-il si des fascistes pourtant déjà au gouvernement, grâce à de nouvelles manipulations, réalisent un nouveau coup d’Etat contre un Poroshenko jugé trop mou, trop conciliant envers Poutine et les « séparatistes » ? Une Ukraine néo-colonisée économiquement n’est-elle pas vouée à l’éclatement ?
Linet Perera Negrín et Miguel Esteban, 14 juin 2015.
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